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27.10.2020

Interpellation des sénateur.rice.s du 37: Ré-autorisation des néonicotinoïdes : pour protéger vraiment les paysan.ne.s, votez contre !

27.10.2020 -
Si vous pensez « sauver » les agriculteurs et agricultrices par ce renoncement environnemental, sachez que la pression qui pèse sur eux, est celle du marché, bien plus que celle de la jaunisse !

Ci-dessous vous trouverez la lettre envoyé aux sénateur.rice.s pour leur demander de voter contre le le projet de loi permettant la ré-autorisation des néonicotinoïdes

 

Objet : Ré-autorisation des néonicotinoïdes : pour protéger vraiment les paysan.ne.s, votez contre !

Mesdames et Messieurs les sénatrices et sénateurs,


Le 27 octobre prochain vous allez vous prononcer sur le projet de loi permettant la ré-autorisation des néonicotinoïdes. La Confédération paysanne est le seul syndicat agricole généraliste à s'opposer à cette réautorisation tant elle fait peser de risques sur notre environnement, notre biodiversité et notre santé à toutes et tous.


Ces éléments sont connus et extrêmement documentés. En revanche, les causes réelles de la crise et de la dépendance des paysan.ne.s betteraviers sont presque absentes dans les débats autour de ce projet de loi.

Si vous pensez « sauver » les agriculteurs et agricultrices par ce renoncement environnemental, sachez que la pression qui pèse sur eux, est celle du marché, bien plus que celle de la jaunisse !

Dès 2006, suite à la réforme de l'Organisation Commune de Marchés sucre (OCM*), l'industrie sucrière française a connu une restructuration sans précédent avec la fermeture de plusieurs usines. Le 1er octobre 2017, suite à la réforme de la PAC* de 2013 les quotas et le prix minimal de la betterave ont été supprimés, entrainant la dérégulation du marché et la mise en concurrence des industriels, et donc des producteurs.trices de betterave, sur le marché du sucre mondial.

Tout un ensemble de paramètres qui sont, soit ignorés, soit déformés, soit encore sciemment masqués dans le débat sur la ré-autorisation des néonicotinoïdes, montrent clairement les effets dévastateurs de ces politiques sur les betteraviers.

Selon Agreste, le rendement s'établirait pour la campagne 2019-2020 à 76,2 tonnes par hectare ce qui en fait une année similaire au début des années 2000. Pourtant les néonicotinoïdes étaient autorisés et la France ne manquait pas de sucre. La donnée importante à retenir est surtout, qu'à l'époque, les prix de la betterave étaient sécurisés grâce aux quotas. Or ces dernières années, le prix des betteraves a nettement chuté (29.7 euros la tonne en 2016 contre 23 en 2018), altérant fortement la marge nette de cette culture. De plus, 2020 marque un recul conséquent des surfaces de - 5,4% par rapport à 2019, ce qui n'est pas dû aux pucerons mais à la baisse des cours du sucre qui a conduit les betteraviers à réduire leurs superficies.

Enfin, comment accepter que l'usage de ces insecticides soit justifié au nom de notre souveraineté alimentaire, quand environ un quart de la production des betteraves sucrières sert à produire, non pas du sucre mais des agrocarburants (campagne 2018-2019) !

Si vous voulez réellement vous emparer de la souveraineté alimentaire et favoriser par exemple la culture du sucre bio, pour laquelle l'Union européenne est largement déficitaire (elle ne produit que 10% de la consommation européenne), il faut soutenir la définition d'un plan de campagne encadrant la transition en termes de volumes et de prix. L'ambition politique se situe ici : des prix garantis sur une production en dynamique, produire moins mais mieux, pour rémunérer nos paysan.ne.s et protéger l'environnement.


Dans ce contexte, les pesticides ne sont que l'une des armes d'une guerre économique dont les agriculteurs et agricultrices sont, et seront encore plus demain, les premières victimes. Prenons l'exemple de Tereos, géant de la filière, implanté dans 18 pays, qui a racheté de nombreuses entreprises sucrières notamment au Brésil, le 1er producteur mondial de sucre. Tereos, qui bénéficie des avantages fiscaux des coopératives, est devenu le premier concurrent des producteurs.trices français.es ! Il y a deux ans déjà, bien avant les effets de la jaunisse, il annonçait la fermeture de nouvelles usines afin de minimiser ses charges et maximiser ses profits. La mécanique est bien rodée : la surproduction organisée au niveau mondial lui permet d'avoir toujours plus de sucre à disposition, à toujours moins cher. Après qu'il aura contribué à réduire sensiblement le nombre des producteurs, et quand il aura épuisé en France tous les artifices possibles à cette course - chimie, restructuration des sucreries et baisse du revenu paysan - Tereos n'aura qu'à se tourner vers des pays où des règles moins exigeantes lui permettront d'assouvir sa soif de profits. Nous nous retrouverons alors, comme ces salariés de Goodyear ou de Bridgestone, démunis face à ce drame inacceptable mais inéluctable.

Approuver ce projet de loi, même pour des délais dérogatoires courts, c'est donc enfermer un peu plus les producteurs.trices dans les griffes du marché et répondre favorablement à l'injonction des industriels qui dirigent tant la filière que le choix politique qui a présidé à ce projet de loi.

Il n'est plus possible qu'à chaque épisode climatique ou sanitaire, les seules portes de sortie proposées soient de se tourner vers des vieux artifices et refuser de s'attaquer frontalement aux racines du problème. Que penseriezvous de réintroduire les hormones de croissance ou laitières afin de pallier l'effet, sur la production de nos animaux, des sécheresses récurrentes et de plus en plus intenses que nous connaissons ? Impensable !

C'est pourtant la direction choisie pour les betteraviers par les différents ministres et la majorité présidentielle, si ce projet de loi est voté.

Aujourd'hui, la Confédération paysanne vous demande d'avoir le courage politique d'inverser le cours des choses. D'autres solutions aux néonicotinoïdes existent, plus résilientes, moins intensives et avec des débouchés plus avantageux. Il suffit de penser protection des paysan.ne.s autant que protection des cultures : un accompagnement à court terme pour des aléas comme la jaunisse, une régulation des marchés, une maîtrise et une répartition des volumes qui permettront d'obtenir enfin des prix justes à la production.

Voter contre ce projet de loi serait un signal important dans cette direction, celle d'un accompagnement des paysan.ne.s dans la transition avec des réformes et des actes politiques forts au niveau national et européen. Les paysan.ne.s sont les vrais acteurs d'une transition choisie et active de nos modes de productions. Choisissez les agriculteurs.trices plutôt que le marché dont la logique finit toujours par les faire disparaître. Plus que jamais votre décision engage notre avenir. Nous attendons de vous que vous votiez contre ce projet de loi.


Comptant sur votre engagement en faveur des paysan.ne.s, nous vous prions de croire, Mesdames et Messieurs les sénateurs et sénatrices, en l'assurance de nos salutations distinguées.

Pour la Confédération paysanne de Touraine
Frédéric GERVAIS, porte-parole

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